D'aplomb et vivantes

25 novembre, journée de lutte contre la violence faite aux femmes

Publié le 16 avril 2021
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C’est le 25 novembre et j’ai mis des bottes,
une couche de cuir comme une deuxième peau,
celle de l’animal, robuste.
Me protéger des morsures de l’hiver.
Encaisser les mots des femmes qui osent se saisir de la tribune.
Debout devant les autres.
Debout devant la statue de l’insurgé.
Debout devant le monument aux morts transformé l’espace d’un rassemblement
en monument
aux mortes.

C’est le 25 novembre, journée estampillée de l’éradication des violences faites aux femmes. La liste en béton des hommes morts pour la France est masquée derrière la liste en carton des femmes mortes sous les coups de leur conjoint
en 2020
en France.
80 femmes.
80 prénoms
égrenés
un
à
un,
au micro,
suivis d’un âge.
Plein d’âges.
Plein d’origines.
Une assemblée silencieuse.
Des bougies.

C’est le 25 novembre 2020, nous sommes masquées, nous attestons que nous sommes masquées, nous attestons que nous sommes ici pour lutter / pour soutenir / se souvenir / ensemble / se soulever / écouter / raconter / vibrer / ensemble
et peut-être pleurer.

Elle est debout derrière, debout sur le côté, devant, debout tout autour de moi, là-bas au loin tout près, je ne l’ai pas vue il fait froid il fait nuit, elle est masquée elle aussi, corps dissimulé sous le manteau, le menton dans l’écharpe je l’ai dit il fait froid, elle est masquée c’est une injonction, et son front ses cheveux sont cachés, cachés sous son bonnet sa capuche, il fait froid sa silhouette, son aplomb.

Elle chante, sa bouche derrière son masque chante, elle dit, sa bouche derrière son masque dit, elle trans, elle homo, elle femme, elle opprimée, elle en colère, elle
ne se taira pas,
elle crie
sa bouche derrière son masque
crie.

Des regards. Une foule de regards. Je ne sais plus qui est qui, aujourd’hui je ne te reconnais pas, j’ai les pieds froids, je suis campée sur mes deux jambes, deuxième peau, l’écharpe, le bonnet et le masque,
l’aplomb.
Je suis ici
avec toi
déterminée
ici
j’écoute
la lune
il fait nuit
les bougies
je vibre.
Vivante.

Ce sont des filles, des mères, des amies, des grands-mères, des collègues, des cousines, ce sont des femmes.
Mortes.

Il y a des regards qui chantent, il y a des regards mouillés, il y a des regards qui pensent, qui écoutent, qui dansent, il y a des regards déterminés. Aplomb.
Vivantes.

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